L'une des composantes du «jospinisme», c'était la faculté rare
de ne pas suivre les conseils des décideurs, de tous ceux qui façonnent ce qu'on appelait, au milieu des années 90, le «cercle de la raison» (1): le patronat, les hauts fonctionnaires de Bercy ou de la Commission européenne, les experts situés à gauche de la droite ou à droite de la gauche" Le Premier ministre n'hésitait pas, jusque-là, à surprendre et à choquer ce petit monde. Contrairement aux prescriptions de ce cercle, il a, par exemple, annoncé, en octobre 1997, une loi sur les 35 heures assortie d'une date butoir. Afin de financer le respect des critères budgétaires nécessaires pour se qualifier à Maastricht, il s'est servi dans les caisses des entreprises, sans toucher au porte-monnaie des ménages. Puis il a renoncé (provisoirement?) à donner un statut plus favorable aux stock-options ou à baisser la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Récemment encore, le 16 mars, il a scandalisé les habitués du cercle de la raison en affectant les 50 milliards de francs de sa «cagnotte» aux ménages, et pas les plus aisés, sans garder un centime pour la réduction des déficits.
Ces décisions étaient avant tout politiques, bien sûr. Il s'agissait de ressouder la majorité plurielle et de montrer, par des symboles, que ce gouvernement était capable de résister aux pressions droitières. Sur le fond, la politique jospinienne est restée «réaliste»: malgré les couinements des raisonnables, la baisse des déficits se pou