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Libération
TRIBUNE

Passage à l’heure d’été.

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Mon journal de la semaine.
par Annie Ernaux, Ecrivaine
publié le 1er avril 2000 à 0h20

Samedi

Célébrations

Le pape est à Nazareth. A la radio, une femme qui a fait le voyage exprès, depuis la France, pour retrouver «les lieux où Jésus a été enfant, avec son père, le charpentier Joseph» manifeste son étonnement. Elle dit qu’elle n’aurait jamais pensé que les gens étaient aussi mêlés, musulmans et chrétiens. On sent qu’elle ne reconnaît pas les images du missel. A tout jamais, Nazareth, c’est l’ange Gabriel apparaissant à la fenêtre devant laquelle Marie est en train de coudre, c’est l’atelier de Joseph et le petit Jésus qui «allait à l’école en portant sa croix dessus son épaule, quand il savait sa leçon, on lui donnait des bonbons, etc.» (comptine d’autrefois). Le mythe résiste à l’histoire, la géographie imaginaire qu’on porte en soi à tous les reportages et journaux télévisés.

Il y a un an commençait la guerre du Kosovo. On le rappelle partout, on parle même d'un «anniversaire». De façon étrange, on célèbre de plus en plus le début des guerres, plutôt que la fin, qui n'en est pas vraiment une ces derniers temps, comme on l'a vu en Tchétchénie.

Hier soir, à Bouillon de culture, éloge des libertins, qui refusent la société, les institutions, ne défilent pas et placent avant tout la jouissance d'exister. Soit. A ceci près que la profération de ces propos dans le cadre d'une émission aussi reconnue, plébiscitée ­ bref, une institution ­ constituait la dénégation même de l'esprit libertin. Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscut