«Alors le mec y sort son gun, y tire dans la foule mais pas très
bien, puis il entre dans un café, tu vois le genre, un bon café à la française, à moitié vide, et s'y enferme aux chiottes, et alors"»
C'était plus d'un an avant notre grand débat sur Sartre. Elève de seconde dans un lycée non (encore) sinistré, elle avait fait un exposé en classe sur les nouvelles, Erostrate en particulier. Et si bien communiqué son enthousiasme à ses camarades qu'elle en fut ovationnée. Le soir, à table, la famille se rengorgeait, comme il est naturel. Moi, j'en restais assise.
Erostrate tout en haut du hit-parade? On ne s'y attendrait pas! Ma génération épilogue sur les Mots. Et au cas où l'on tiendrait absolument à le savoir: j'admire ce livre, beaucoup et même davantage. Pourtant, il ne me touche pas vraiment. Le récit m'est aussi lointain que la Vie de Henry Brulard, l'autobiographie de Stendhal, à laquelle il ressemble un peu. Solitude de l'orphelin futur écrivain, privé de communale, mais nanti de proches qui, gentils à l'égard de Sartre, hostiles vis-à-vis de Stendhal, se laissent aller à être trop proches. Alors, l'orphelin lit, écrit, et ma génération relit les Mots, ce récit d'une impudeur étincelante.
Il n'est pas sûr que notre jeune lectrice soit captivée par le présent débat public, sur cette oeuvre, la guerre d'Algérie ou le compagnon de route du PC. Des questions qui se ramènent à celle-ci: faut-il s'identifier à Sartre ou liquider la figure? La donzelle semble s'être fait d'avance