Menu
Libération
TRIBUNE

Une pensée qui pense ailleurs. La leçon de Sartre.

Article réservé aux abonnés
par Bernard Sichere
publié le 17 avril 2000 à 0h01

Sartre n'ayant jamais été contemporain de ma propre recherche

philosophique, c'est avec plus de calme que d'autres que je le regarde et que je le relis aujourd'hui. Une première évidence: la force d'une pensée systématique qui est avant tout une doctrine du sujet, ne cédant pas sur la question du sujet, qui donc pense ailleurs que Heidegger, ailleurs que la génération de la «déconstruction», laquelle va s'imaginer un peu vite l'avoir enterré. Une seconde évidence moins simple: cette doctrine du sujet a pour condition la prise en compte de deux champs d'expérience qui sans doute se croisent mais ne se recouvrent pas: la littérature et la politique. Pour en finir avec la pensée courte qui ne pense pas et qui s'obstine à dire que Sartre «s'est trompé» sans demander ce qu'il a voulu penser, demandons plutôt comment Sartre a décidé de ne pas céder sur ces deux expériences: en ajoutant qu'il s'est trouvé, en chacun de ces espaces, étonnamment divisé.

En littérature, il est celui qui se révèle lui-même écrivain véritable (les passionnants Chemins de la liberté), puis qui renonce à l'être, cependant qu'il est ailleurs celui qui, selon un très ancien geste remontant à Platon, voudrait placer la littérature sous la juridiction de la philosophie. Echec porteur d'une vérité éloquente: une doctrine du sujet à la fois biographique (donc aussi sexuel) et néantisant s'y profile, que d'autres vont reprendre autrement (sujet en procès, négativité, plaisir du texte, jeu du signifiant, sémiotique