C'est une histoire de journaliste, une histoire vraie, et même, je
crois, une vraie histoire. Comme souvent, elle commence au courrier. Un lecteur y réagissait à l'évocation dans ces pages de certain comportement policier, à Ris-Orangis, dont une jeune femme eut à souffrir. Sa lettre, immonde, avait l'apostrophe virile et impérative («Sache, raclure"») d'une défense et illustration d'un racisme dit «ordinaire», évoquant «les ratons (qu'on devrait pendre) à tous les réverbères», le «coup de poing (que) le flic aurait dû lui balancer dans le bide, à la moukère» (la jeune femme était enceinte), et ce journaliste qui devrait être «tondu comme les putes à la Libération». Dans ce métier, on reçoit parfois des lettres d'injures ou de menaces, généralement anonymes ou dont le signataire s'affuble, pour aller au bout de l'illusion de son courage, d'une fausse identité. Avec une curiosité résignée, sans illusions, on vérifia l'en-tête manuscrit de celle-là. Sale surprise. Le nom de François (appelons-le François) figurait bien dans l'annuaire à son adresse, dans cette banlieue rhodanienne que le tampon de la poste authentifiait. Avec, en sus, son numéro de téléphone, comme un jackpot en pièces de vingt centimes, plus encombrantes que nécessaires. Après une journée de réflexion par acquit de conscience, si l'on peut dire , je l'ai appelé.
François n'a pas de répondeur téléphonique. A mon appel du matin, personne n'a répondu. Le soir venu, à la seconde tentative, si. J'ai dit Bonsoir,