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Libération
TRIBUNE

Compatissez, bonnes gens.

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par Michel DEL CASTILLO
publié le 29 avril 2000 à 23h41

Samedi.

Afrique, la malédiction antique Le présentateur du journal télévisé avait prévenu: on allait nous montrer des images insoutenables, bien entendu pour la bonne cause. Si l'on tardait à les secourir, des centaines de milliers d'Ethiopiens mourraient de faim dans les plus brefs délais. Cette manière d'enrober de bons sentiments le voyeurisme le plus suspect a quelque chose d'abject. Furieux, j'ai détourné la tête devant le même enfant noir, réduit à l'état de squelette, avec ses grands yeux exorbités dans un crâne réduit, comprimé, dont les os saillent. En sollicitant les émotions les plus primaires, on feint de montrer pour mieux cacher. On arrête toute question, on empêche la réflexion. En ce sens, la brutalité de la télévision constitue une stratégie politique, ce que démontre d'ailleurs la répétition du procédé. Le même fantôme de cadavre hante le petit écran, depuis des années. Une image après l'autre, chaque fois identique, toujours différente, la résignation s'installe en nous; le sentiment d'une fatalité nous pénètre. C'est l'Afrique, une sorte de malédiction antique. C'est la mondialisation, autre fatalité. C'est la loi du marché, ou de la concurrence, inévitable. Ce qui se présente comme de l'information est en réalité une publicité, martelée: compatissez, bonnes gens. Ne pensez pas, surtout.

En attendant de comprendre ce qui se passe réellement dans cette région de la Corne de l'Afrique ­ et qui me l'apprendra, sinon la presse écrite? ­, je lis un ouvrage qu'