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Libération
TRIBUNE

Le «tragique» de la vie, c'est d'avoir à supporter des vérités opposées. Jeu de massacre quotidien.

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publié le 3 mai 2000 à 0h23

Un grand philosophe obsessionnel a soutenu toute sa vie que le

tragique de notre condition, c'est qu'un jour on doive mourir. Il appelait ça pompeusement: l'être-pour-la-mort" Je n'y ai jamais cru. A la rigueur, c'est le contraire qui serait tragique: s'imaginer éternel, ça peut donner des sueurs froides (vos descendants après un siècle vous relègueront dans un tiroir si déjà leurs grands-parents font tout juste partie des meubles. Et puis comment raisonner sur l'immortel autrement qu'en mortels que nous sommes?). En un sens vivre, c'est comme écrire une longue lettre, il faut bien qu'elle se termine pour être écrite; si elle n'est pas finie, signée de vous, elle n'existe pas encore. Si on ne peut pas mourir, c'est qu'on est déjà mort. Et même, le plus souvent, on meurt par consentement mutuel avec la mort ­ qui signifie qu'on n'en peut plus: le corps a fait le tour de la Question, il a joui tout ce qu'il a pu, jusqu'à en tomber par terre, en soufflant à l'âme, avec qui il faisait le long jogging de la vie: «Continuez sans moi!"» Et l'âme, un peu surprise, continue" La Lettre continue, au risque d'être une lettre morte si d'autres qui la reçoivent ne la font pas vivre, à leur façon. Transmission, ça s'appelle.

Cela dit, mourir, c'est avoir fini sa vie" Sauf si on vous l'écourte: si vous êtes un «jeune» et que vous tombez sur cinq grands flics en état de légitime défense, c'est sûr que vous risquez de partir la bouche pleine en laissant votre assiette à peine entamée; ou si vo