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Libération

Big Brother, le jeu réel.

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publié le 16 mai 2000 à 1h13

Après trois semaines de confusions multiples, la malheureuse affaire

des «vingt-et-un-otages-dont-deux-Français» retenus sur l'île de Jolo semble chaque jour s'enfoncer un peu plus dans une irréalité. Quand les ravisseurs ­ apparemment dépassés par un enjeu qui gonfle comme une bulle spéculative ­ ne parviennent pas à fixer leurs exigences, à quoi s'accrocher, pour s'intéresser? Aux destins individuels, bien sûr, ces riens que Nicolas Poincaré, sur Radio France, touchait du doigt l'autre semaine et que TF1 a spectaculairement mis en scène dimanche. La chaîne est ainsi parvenue, l'espace d'un instant, à faire de Jolo la maison transparente de Big Brother, ce jeu télévisuel qui consiste, dans un artificiel huis clos bourré de caméras, à offrir X «otages» à des millions de voyeurs dont les votes «interactifs» excluent (ou libèrent) ponctuellement l'un ou l'autre. Ainsi, sans passion excessive, nous sommes-nous installés dans la tragique hypertension de «l'Allemande» Renate Wallert et l'émouvante gestation de «la Sud-Africaine» Monique Strydom, «enceinte de deux mois». Ainsi avons-nous éprouvé un petit chaud à l'amour-propre national en apprenant par Andy Diamante, otage local et porte-parole officieux d'Abu Sayyaf, que «le Français et le Sud-Africain sont les plus forts» (c'est le premier qui porta à dos «la Libanaise» Marie Michèle Moarbes à la cheville foulée). Ainsi avons-nous frémi d'émotion au miracle de l'amour qui amena «Stéphane» à souhaiter rester auprès de «son amie»