Après trois semaines de confusions multiples, la malheureuse affaire
des «vingt-et-un-otages-dont-deux-Français» retenus sur l'île de Jolo semble chaque jour s'enfoncer un peu plus dans une irréalité. Quand les ravisseurs apparemment dépassés par un enjeu qui gonfle comme une bulle spéculative ne parviennent pas à fixer leurs exigences, à quoi s'accrocher, pour s'intéresser? Aux destins individuels, bien sûr, ces riens que Nicolas Poincaré, sur Radio France, touchait du doigt l'autre semaine et que TF1 a spectaculairement mis en scène dimanche. La chaîne est ainsi parvenue, l'espace d'un instant, à faire de Jolo la maison transparente de Big Brother, ce jeu télévisuel qui consiste, dans un artificiel huis clos bourré de caméras, à offrir X «otages» à des millions de voyeurs dont les votes «interactifs» excluent (ou libèrent) ponctuellement l'un ou l'autre. Ainsi, sans passion excessive, nous sommes-nous installés dans la tragique hypertension de «l'Allemande» Renate Wallert et l'émouvante gestation de «la Sud-Africaine» Monique Strydom, «enceinte de deux mois». Ainsi avons-nous éprouvé un petit chaud à l'amour-propre national en apprenant par Andy Diamante, otage local et porte-parole officieux d'Abu Sayyaf, que «le Français et le Sud-Africain sont les plus forts» (c'est le premier qui porta à dos «la Libanaise» Marie Michèle Moarbes à la cheville foulée). Ainsi avons-nous frémi d'émotion au miracle de l'amour qui amena «Stéphane» à souhaiter rester auprès de «son amie»