Le procès du bizutage n'a pas eu lieu. Pas seulement parce que les
procédures de la Cour de justice de la République ne permettent pas aux plaignants de s'exprimer en tant que tels. Mais parce que pas un mot n'a été prononcé sur les «victimes», si ce n'est pour les désigner comme telles. Or c'est bien dans leur mutisme que naît cette fameuse «loi du silence» dénoncée à longueur de discours. Avant celui des adultes. Avant celui des bizuteurs.
Pourquoi des milliers de jeunes appartenant à l'élite scolaire de notre pays acceptent-ils chaque année d'en passer par là? Pourquoi ingèrent-ils de la nourriture pour animaux ou livrent-ils leur intimité au regard public? Pourquoi la loi de l'aîné l'emporte-t-elle si aisément sur celle du nombre les bizuts étant toujours plus nombreux que les bizuteurs? Pourquoi a-t-on pu voir, il y a quelques années, des jeunes gens de bonne éducation accepter sans sourciller de se faire traiter de «sous-hommes», une qualification qui, prononcée Untermenschen, valait un aller simple pour les camps dans l'Europe de naguère? Pourquoi les coiffes du Ku Klux Klan et autres accoutrements fascisants qui ont longtemps constitué le répertoire vestimentaire de base des bizuteurs n'ont-ils pas suscité, chez leurs «victimes», une violente réaction de rejet? Pourquoi, enfin, une écrasante majorité d'ex-bizuts devenus bizuteurs jurent-ils main sur le coeur avoir gardé un «bon souvenir» de leur bizutage, «pas si terrible que ça», à les écouter?
L'Etat a décidé s