Il est curieux de constater combien les métaphores de la morale ont
créé un paysage politique et culturel. Ainsi parle-t-on de la transparence éthique pour désigner un moralisme actif, capable de déjouer les abus de pouvoir et les détournements de fonds. Etre transparent, c'est n'avoir rien à cacher. Etre blanc comme neige soulève au contraire de sérieux soupçons, puisque le blanchiment de l'argent «sale» ne rend pas transparent celui qui en fait l'opération. On passe un «coup de blanc» sur des murs tachés pour masquer la saleté, mais la transparence suppose qu'on puisse, comme en face d'un mur en verre, «voir au travers».
L'ennemi public de la morale serait donc le secret, ce qui est dérobé au regard de tous et qui, mal caché, sonne faux. On affiche la transparence, comme le font les grands patrons qui publient dans les journaux le montant de leurs revenus. Dire et montrer ce qui est passe pour l'acte éthique par excellence. Les médias, depuis longtemps, pratiquent cet exercice du dévoilement qui fait l'honneur déontologique des journalistes. Rien ne doit rester dans l'ombre: savoir ce qui se passe dans le monde à tout moment est la condition préalable à la citoyenneté. S'il existe un art de vivre en commun, il reste bien fondé sur la révélation publique. C'est à ce prix que la démocratie s'offre les apparences d'une conquête de sa probité. Contre les risques grandissant de la délation, cette volonté de transparence s'accommode alors d'un certain relativisme de la vérité.
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