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Libération

C'est quoi, un collabo?

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publié le 20 juin 2000 à 1h38

C'est Abdelaziz Bouteflika, le président algérien aux 234 mètres de tapis rouge déroulés sur le tarmac d'Orly, qui parle: "Les conditions ne sont pas encore venues pour des visites de harkis [...] C'est exactement comme si on demandait à un Français de la Résistance de toucher la main d'un collabo." Realpolitik (un mot allemand) oblige, les gouvernants français auront apprécié de voir l'armée dans laquelle nombre d'entre eux ont servi pendant la guerre d'Algérie assimilée à celle de l'occupant nazi durant la Deuxième Guerre mondiale. Pour les principaux intéressés, ils auront compris, eux, près de quarante années après l'indépendance, dans quelles "conditions" ils seront susceptibles de revoir leur terre natale: six pieds dessous et dans leur cercueil. (Et encore...) Car si les cours du pétrole et du gaz peuvent varier, sur les marchés, à la hausse ou à la baisse, celui du nationalisme algérien, pour Bouteflika, ne peut que grimper: il n'a, dans ses frontières, que ça à vendre.

Depuis 1962 et les accords d'Evian, les harkis n'auront donc jamais fini de payer leur "collaboration". En ce temps-là que Paris appelait supplétifs les quelque 250 000 musulmans engagés à ses côtés contre le FLN, un quart d'entre eux, échappant au sort funeste (torture et exécution sommaire) que leur promettait l'indépendance algérienne, avaient pu "se réfugier", comme on dit, en France. On sait dans quelles abjectes conditions: parqués dans des camps militaires, regardés comme des traîtres par leurs