Dans l'Europe riche, il n'y a plus de frontières que pour les pauvres, les damnés de la terre. Voilà la situation: d'un côté, nous, riches, prospères, héritiers d'une tradition démocratique qui nous permet de jeter à la rue n'importe quel gouvernement qui attenterait sérieusement à notre train de vie. Et il y a eux. Eux, un seul mot les définit: rien. Ils n'ont rien. Donc ne sont rien. Mais ils nous voient, s'abreuvent de nos images d'opulence. Et veulent légitimement en être. Voici trente ans, à l'époque où les concepts étaient politiquement tranchants, on disait: leur misère est le résultat de notre politique impérialiste. C'est un devoir que de les aider. Aujourd'hui on dit: ils ont des dettes envers nous - et, en plus, ils veulent venir chez nous manger notre pain! Jürgen Habermas a trouvé le mot juste pour définir cette attitude: c'est, dit-il, l'époque du "chauvinisme de la prospérité". Résultat: la mondialisation avance à pas de géants, brisant toutes les frontières, assujettissant toutes les sociétés, transformant les Etats en gardes du corps du capitalisme financier, ouvrant grandes les artères de la circulation aux marchandises, aux capitaux, à la communication, aux personnes qui ont eu la chance de naître là où il faut. Immense hypocrisie que cette mondialisation qui n'est au fond qu'une autre manière d'enrichir les riches et d'appauvrir les pauvres.
Quand donc admettra-t-on qu'il y a une contradiction scandaleuse entre les politiques migratoires des pays riches, l