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Libération
TRIBUNE

Le statut de la liberté

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par Fernando ARRABAL
publié le 24 juin 2000 à 1h47

Samedi

Première de Pina Bausch

Pina en coulisses savoure l'instant de l'unanimité et de l'apothéose. Je n'interromps pas le cours de mes émotions. Pas même au lit. Je relis, avant de m'endormir, une nouvelle génialement fade de Raymond Carver.

Cette "première" me fait penser au dernier ! déjeuner panique. J'avais demandé à Topor et à Jodorowsky : quels sont nos dragons ? (Newton, après avoir découvert la théorie de la gravitation universelle s'était offert une expédition dans les Alpes. Pour y chercher... des dragons ! Et ovationné par tous.) C'est-à-dire : Quelle est l'actuelle conviction unanime qui dans quelques années paraîtra étonnante ou risible ? Topor avait répondu du tac au tac : L'amour !... c'est une invention de la police.

Ai-je entendu le mot "fade" au milieu de la foule enthousiaste ? Un blasphémateur ? Il y a un millénaire, le poète Sikong Tu vivait en odeur de sainteté. Il ne créa même pas le "fadisme", malgré le culte qu'il vouait à l'insipidité : L'homme est fade, déraciné... Tout ce qui a une saveur s'épuise, devient sec. La fadeur s'approfondit peu à peu... Elle semble sans fin, inépuisable...

Pendant l'entracte, au Théâtre de la Ville, Dominique F. signale son ex : "C'est celui-là, qui a le crâne rasé." Hier, il fixait des anglaises postiches à sa moumoute. Aujourd'hui, il désinfecte son passé insipide au Coca- light. Rimbaud a bien avoué "Je suis tombé amoureux d'un porc : Verlaine."

Je t'aime, Pina, comme il y a vingt-quatre ans, à Bochum, avec Maria Schell.