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Libération
TRIBUNE

Contre l'appropriation des gènes

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Ouvrons le débat sur la généralisation des brevets et les innovations de la génomique.
par Maurice CASSIER, sociologue au CNRS et Jean-Paul GAUDILLIERE, historien des sciences à l'Inserm
publié le 28 juin 2000 à 1h49
(mis à jour le 28 juin 2000 à 1h49)

Alors que vient d'être annoncé le décodage du génome humain, la directive européenne sur les brevets, adoptée en juillet 1998 par la Commission de Bruxelles, est en ce moment sur la sellette. La signature, par de nombreux chercheurs, d'une pétition initiée par le professeur Mattei et protestant contre une "logique des brevets" qui conduit à la marchandisation des gènes, éléments du corps humain, avait attiré l'attention sur un texte adopté sans bruit. Voici désormais que, rompant avec sa prudence coutumière en matière de développement industriel et de valorisation, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) s'en prend à une extension de la brevetabilité qu'il considère comme peu éthique et à terme préjudiciable à une "stratégie économique durable". On ne peut que se réjouir de ce retour du débat public sur des questions jusque-là laissées aux seuls experts du droit des brevets. Ceux-ci se sont largement contentés depuis quinze ans d'entériner l'évolution des pratiques et de la jurisprudence, accompagnant la délivrance de brevets pratiquement réduits à la description d'une séquence d'ADN. Les brevets sur les gènes sont une réalité et une réalité de plus en plus fréquente.

Industriels et innovateurs nous répètent que la généralisation des brevets de gènes est un signe d'évolution de notre système de recherche, qu'elle est condition sine qua non de la recherche appliquée, de l'invention de nouvelles techniques et finalement du progrès médical. Il est donc excellent que d'au