Le retour de la croissance a aggravé la schizophrénie contemporaine. D'une main, on salue le créateur de "start-up"; de l'autre, on donne à "l'exclu". C'est dire si le projet, exploré par la Revue du Mauss (1), de réconcilier "éthique et économie", force l'attention. Alain Caillé et Ahmet Insel, qui dirigent l'organe du Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales dont le titre est un clin d'oeil au sociologue et anthropologue Marcel Mauss (1872-1950), partent d'un présent qui "fait croître le cynisme à proportion de l'angélisme".
Leur projet est de se dégager du fâcheux dualisme "de l'économisme et du moralisme, ces frères à la fois ennemis et complices". "Alors que la vie des affaires et la gestion des entreprises sont de plus en plus soumises à des exigences de dureté et de réalisme implacable, il n'y a jamais été autant parlé d'éthique", observent-ils. "Il y a plus de 500 cours d'éthique, souvent sponsorisés par de grandes entreprises, dans les campus américains", note l'économiste Serge Latouche. Hélas! comme le souligne le philosophe Robert Misrahi, "la morale n'est qu'un discours spiritualiste de parade destiné à préserver la bonne conscience des acteurs de l'économie". L'originalité de la démarche de cette livraison est de ne pas condamner l'économie au nom de la morale, mais bien plutôt de démonter les présupposés du capitalisme actuel. Dans un article passionnant, Misrahi décortique le "dogmatisme" et le "réductionnisme" de la "pseudo-science économique" q