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Libération
TRIBUNE

Mémoire d'un génocide.

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publié le 4 juillet 2000 à 2h46

Des milliers de crânes et de tibias s'étalent sur des claies de bois, à l'intérieur de petites salles de brique rouge. La quinzaine de salles d'un lycée jamais terminé et transformé en musée du souvenir. Murambi, ville martyre au sud-ouest du Rwanda. Entre avril et juillet 1994, 40 000 personnes ont été exterminées ici. Traces de l'horreur, des centaines de corps parcheminés, recouverts d'une fine pellicule de chaux, se chevauchent, s'enlacent, mains recroquevillées, retirés tels quels des charniers avec leurs vêtements, des touffes de cheveux crépus restées collées aux crânes. Plus loin, paroxysme de l'écoeurement, des salles remplies d'enfants, corps minuscules, des foetus même, parcheminés eux aussi. Dans ce lieu, on aurait dû entendre le rire et le chahut de lycéens, et c'est le silence d'un pic montagneux avec collines et vallées alentour qui règne.

Dès le début des tueries, le 7 avril 1994, les Tutsis de la région, catholiques fervents, sont allés à Ginkongoro chercher refuge auprès de leur évêque, Mgr Misago. Les églises n'avaient-elles pas été, lors de précédents massacres des enclaves sacrées, infranchissables pour les bourreaux? Se voulant réconfortant, l'évêque les mit sous la protection des gendarmes, puis les fit escorter, "pour que vous soyez en sûreté", avait-il dit, tout en haut de la montagne, au lycée de Murambi. Une fois arrivés, les gendarmes disparurent, remplacés aussitôt par des miliciens du Hutu Power. Un millier de personnes, enfants, femmes, vieillar