Le nombre de ceux qui meurent ou sont gravement blessés sur les routes de France chaque année justifie qu'on s'alarme, et tout le monde admet que c'est une affaire publique. On n'aligne pourtant, face à cela, que des décennies d'impuissance. Faut-il lever les bras au ciel et dire une fois de plus que c'est la faute à la mondialisation, ou du moins à la domination de l'économie et de ses grandes firmes? D'autres pays qui subissent aussi les pressions de constructeurs automobiles, de transporteurs routiers, d'un lobby autoroutier, font pourtant mieux que nous. Faut-il y voir la preuve d'une inefficacité radicale («substantielle») de toute action publique? L'argument est bien rapide et fort idéologique. Ou bien y a-t-il une sorte de consensus rampant pour admettre que, compte tenu des kilomètres parcourus, de la part de risque relativement importante que comporte un mode de vie agréable tel que nous l'imaginons, de la force des images attachées à la liberté de circuler, les résultats ne sont pas trop catastrophiques? Il s'agirait alors pour les médias de verdir un marronnier (il faut bien muscler l'information des périodes creuses) et pour les responsables gouvernementaux de manifester leur sollicitude à l'égard des victimes d'accidents, les uns et les autres s'épaulant dans un grand effort de mise en scène.
Quelle que soit l'hypothèse retenue, y compris celle d'un effort collectif sincère et opiniâtre qui n'obtiendrait pas de résultats suffisants ou durables, il est finalement