Samedi:
Le temps bien borné du bonheur
Quand je n'aime pas, quand je n'admire pas, j'existe mal, je me sens morte, mais il suffit d'un livre, il suffit que je lise les Forcenés d'Abdel-Hafed Benotman pour qu'à nouveau j'aime et j'admire et qu'à nouveau je vive, les Forcenés, publié par Rivages/Noir, magnifiquement noir, âpre, criminel, puisqu'il est tenu pour criminel, aujourd'hui, de dire la noirceur, mais Benotman jette son dire, farouche, abrupt, sans se soucier en rien de l'opinion, sans rien céder à cette obligation où nous sommes de paraître bonasses, frémissants de pitié, contrits comme le pape, et compatissants tout plein pour les affligés du monde entier, lesquels ont cette sale manie, notez-le bien, de se pointer au beau milieu du dîner sur l'écran qui nous parle. Benotman ne cède pas, ne se laisse pas arracher les ongles, et c'est lui qui a raison, en tout cas, je le veux, je l'espère, car la force des mots sera toujours plus résistante que les consensus du moment, fussent-ils écrasants, sera plus forte que la mort, plus forte que la peur et que tous les asservissements, je le veux, je l'espère, c'est mon heure lyrique. A cette heure, je crois, Benotman est en taule, en taule où la vie n'est pas si différente, écrit-il, qu'au-dehors, c'est un peu ce qu'avait déclaré Godard, je me souviens, il y a longtemps, il avait dit tous les enfants sont des prisonniers politiques, ça avait fait un de ces foins. Je le confirme. Je sais de quoi je parle. Je pourrais citer cent ex