Menu
Libération
TRIBUNE

Il faut sauver Bei Ling

Article réservé aux abonnés
par Susan SONTAG
publié le 23 août 2000 à 3h36

En furetant dans l'édition dominicale du New York Times, je me suis arrêtée à la dixième page de la section A, attirée par un long article qui paraissait prometteur et consacré à l'importance des reines de beauté au Venezuela («La patrie du narcissisme pourrait être ici» était-il sous-titré) et sous celui-ci un compte rendu ironique, irrésistible pour la vieille fan de musique cubaine que je suis, sur un concert donné à La Havane, le soir du vendredi 11 août («Le Buena Vista Social Club, peu connu à Cuba, est heureux de rentrer à la maison»). Imaginer Rubén González et Compay Segundo jouant ­ bien sûr ­ au théâtre Karl-Marx de La Havane m'a mise de si belle humeur que je croyais avoir trouvé la force de retourner aux pages beaucoup moins amusantes consacrées aux tralalas de la Convention démocrate. Mais hélas, à côté du reportage cubain, tout en bas de page, quelque chose m'a attirée. Un tout petit article, cinq phrases en tout; il m'apprenait cette nouvelle déchirante: dans l'après-midi de ce même vendredi, mon ami, Bei Ling, le remarquable poète et éditeur chinois, avait été arrêté à Pékin.

Les écrivains, artistes et cinéastes de talent traversent une sombre période actuellement en Chine. La persécution monte à mesure que le gouvernement chinois se sent assuré d'une chose: des peccadilles telles que le non-respect de la liberté d'expression ne risquent pas d'arrêter les intérêts du business mondial (alias les «gouvernements occidentaux»). Pourtant, Bei Ling semblait un prét