En 1973, un avocat et professeur de droit de 45 ans publie son premier livre: l'Exécution. Il n'a pu empêcher la condamnation et la mise à mort de ses deux clients, Claude Buffet et Roger Bontems. Le souvenir du cérémonial de la guillotine à l'aube ne le quitte plus. Il l'écrit. Le combat pour l'abolition de la peine de mort devient le sien, celui auquel chacun finira par l'identifier pour en faire l'icône depuis lors conservée dans le formol de l'abolition (1981). A 72 ans, Robert Badinter publie aujourd'hui l'Abolition, qui commence là où son premier livre finissait: «Le matin qui suivit l'exécution de Buffet et de Bontems, à la maison d'arrêt de la Santé, le 24 novembre 1972 (1), je pris le train pour Amiens. J'enseignais à l'époque à l'université de Picardie. [...] Je perçus aussitôt, dans le regard d'un collègue rencontré dans le wagon, une lueur de curiosité ambiguë pour le témoin d'un événement exceptionnel et ignominieux. Il y avait là comme un appel à la confidence dont je me détournais.» L'Abolition est cette confidence: un livre passionnant, bouclant la boucle d'une vie dont ce combat fit, quoi qu'on pense de l'homme, un destin. On devrait le faire lire dans les lycées: il enseigne ce qu'est une grande cause, et comment elle vous dépasse et vous élève au-dessus de vos défauts et de vos intérêts. Le ton est celui d'une plaidoirie sobre, dans un style à l'ancienne à la fois clair, frémissant, didactique, parfois pontifiant: Badinter, chevalier blanc à robe noir, n'a
Critique
Badinter raconte sa croisade
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par Philippe Lançon
publié le 30 août 2000 à 3h50
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