A ceux qui regardent l'univers politique comme un théâtre d'ombres où planent des âmes mortes, le débat qui fait rage sur la Corse apporte un démenti salubre: rarement depuis dix ans thème aussi politique a provoqué autant de réactions passionnément contradictoires. L'honorable départ de Jean-Pierre Chevènement confirme bien qu'il s'agit en réalité d'un affrontement viscéral à propos de l'idée que chacun se fait de la République. Les souverainistes de gauche et de droite croient pouvoir détenir un droit de préemption sur ce terrain. Leurs prises de position strictement parallèles face aux accords de Matignon prouvent à quel point ils restent, en toute sincérité et en toute ferveur, attachés à une conception de l'Etat-nation parfaitement estimable, mais que l'on a le droit, lui aussi légitime, de juger aujourd'hui désuète, caduque et même anachronique. A les écouter, à les regarder, à les lire, la République serait en péril, l'unité nationale serait menacée par le compromis de Matignon. Ils avancent trois griefs: le processus ne serait pas démocratique, la renonciation au préalable de la violence serait une capitulation, la loi républicaine ne saurait tolérer une exception corse.
Quiconque a lu les accords de Matignon peut constater que le premier argument relève de la polémique la plus artificielle: c'est la première fois qu'à propos de la Corse les négociations ont eu lieu démocratiquement, au grand jour, avec les élus de toutes les sensibilités; chacune des phases du proces