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Libération

Au musée, la muselière

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publié le 6 septembre 2000 à 4h03

Vous aviez prévu de visiter aujourd'hui la rétrospective Chaissac (voir Libération du 1er septembre)? Un conseil: laissez tomber! Aujourd'hui, c'est mercredi, et mercredi est le jour des gosses. Les gosses (je parle des, disons, moins de 6 ans) dans un musée, c'est généralement rude. Les gosses de riches, censés y faire l'apprentissage du «beau», c'est terrible. Les gosses de riches au musée du Jeu de Paume, c'est le pire. Je sais, j'ai goûté.

Parce que Gaston Chaissac, autodidacte «incurable» un temps tenté par l'art brut, se définissait lui-même comme un «Picasso en sabots», de jeunes couples nantis trimballent ici leur marmaille comme au bac à sable. Tout naturellement, les gnards regardent les Totems de l'artiste comme l'effigie du clown Ronald chez McDo ou de Mickey à Disney. ça piaille et ça galope en postillonnant sur les oeuvres sous le regard ému de père et de mère, dont l'indulgence souriante devant toutes les sortes de supports de récupération qu'utilisait le rustique plasticien ­ dont ils ont appris qu'il fréquenta un temps le refuge de clochards de Nanterre ­ dit clairement que tout ça, tellement rigolo, c'est forcément moins de l'art que du cochon. Les bras encombrés de parkas griffées Aigle et bonnets Timberland, bonne conscience en bandoulière, ils contemplent leurs héritiers avec l'arrogante ostentation qu'ils mettaient tout à l'heure à garer leur 4 x 4. Dans le 93, on les leur embarquerait fissa pour trouble à l'ordre public, mais on n'est pas à la MJC de Bo