Le risque, avec la mise en scène et en feuilleton de l'actualité, est que celle-ci finisse par s'échapper dans une incontrôlable fuite en avant, parthénogenèse ultime d'une longue série d'épisodes bien propres (ou bien sales) à alimenter tous les fantasmes. Ainsi de cette rumeur, éclatant bouquet accroché à la queue de comète de l'affaire dite «des otages de Jolo»: parmi ceux-ci, une ou des femmes aurai(en)t été violée(s) par les «rebelles musulmans» du groupe Abu Sayyaf. Mais, au fait, pourquoi parle-t-on de rumeur? L'ex-otage finlandais Risto Vahanen, libéré samedi, a affirmé cela lundi sur une chaîne de télévision, et son propos a été corroboré par son compagnon de détention, l'Allemand Marc Wallert. Pour lui donner du poids, le témoin y apportait cette précision troublante: « Nous avons discuté avec les femmes pour savoir si cela devait être rendu public. Elles étaient d'avis que cela devait être connu, sans donner de nom(s).» (au singulier dans l'AFP, au pluriel selon l'agence Reuters, ndlr). Le lendemain, le même revenait confusément sur sa déclaration pour mollement la démentir. Les femmes se taisent, et le sort d'autres «Occidentaux» encore retenus là-bas constitue une objective et excellente raison de ne pas remuer cette douloureuse affaire, qui ressortit de toutes les façons au domaine de la vie la plus privée. Durant cinq mois, des équipes télé, très soucieuses de presser le «cruel calvaire» pour en extraire tout son jus audimatique, nous en ont obscènement gavés.
Une si belle rumeur...
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par Pierre Marcelle
publié le 14 septembre 2000 à 4h21
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