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Libération
TRIBUNE

Une nouvelle idéologie «tendance»

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Dans un article publié lundi dernier dans les pages Rebonds de Libération» («La Shoah comme religion»), Esther Benbassa, historienne réputée, manifestait son inquiétude devantles dérives d'une «instrumentalisation» de la Shoah dans la définition de l'identité juive contemporaine. Maurice Szafran, journaliste et écrivain, nousa adressé cette répliqueau texte de Esther Benbassa. Nous avons demandéà celle-ci de répondre à son tour.
par Maurice SZAFRAN
publié le 16 septembre 2000 à 4h26

Rien n'est plus déprimant que l'idéologie tendance. Pour être au goût du jour, rangé parmi les iconoclastes, les affranchis ou, mieux encore, les «mal-pensants» (c'est le dernier chic culturel), il suffit désormais de dénoncer, en une formule creuse mais qui plaît, les «excès de la mémoire», de s'en prendre (nommément ou pas) à Claude Lanzmann et de décréter sans importance le prurit antisémite de Renaud Camus.

Ainsi, Esther Benbassa, dans Libération du 11 septembre dernier, dénonce «la Shoah comme religion», enfilant toutes les perles de la nouvelle idéologie tendance.

Ce texte mérite pourtant attention et décryptage car la position de l'auteur, titulaire de la chaire d'histoire du judaïsme moderne à l'Ecole pratique des hautes études, crédibilise, a priori, le propos et la thèse. Si une historienne, revendiquant et assumant son judaïsme, souligne «l'omniprésence de la Shoah, allant bien au-delà de sa signification réelle comme événement historique», regrette que certains en fassent «l'élément majeur de leur identité» et dénonce cette «victimisation qui immunise le juif contre toute critique et immunise par là même Israël», alors le malentendu doit être profond. Primo Levi et ses livres, Claude Lanzmann et ses films, Raul Hilberg et son immense travail historique, toutes ces oeuvres essentielles nées d'Auschwitz et après Auschwitz n'auront donc servi à rien puisque nous ne comprendrions toujours rien à l'enjeu de la Shoah, à ce que devrait être sa place dans notre parcours cu