Le coup de la Wild Card, c'est le mieux. Pour mouiller l'oeil des féroces détracteurs du sport-business et ouvrir partout de nouvelles succursales, les très nanties dames patronnesses du CIO ont pris coutume de convier au festin mondovisuel de pittoresques figurants, le plus souvent issus de tiers mondes réels ou supposés, afin d'y encourager, paraît-il, des pratiques sportives dites
«non traditionnelles».
En 1988, cette pratique avait fait du britannique Eddy «The Eagle» Edwards, sauteur à skis et à lunettes, le contre-héros absolu des Jeux d'hiver; et de même du Sénégalais Lamine Gueye achevant sa descente vertigineuse de 1992. Ainsi, Sydney aura consacré pour l'éternité la figure christique d'Eric Moussanbani.
«Eric», comme disent les commentateurs qui trouvent encore que Moussanbani est un patronyme bien difficile à assimiler-mémoriser, a tenu au centre nautique le rôle du petit frère pauvre de la riche humanité natatoire des continents australien et américain. Engagé par charité dans une série du 100 mètres nage libre avec deux autres concurrents de sa classe (nigérien et tadjik) éliminés par des faux départs, ce natif de Guinée équatoriale, qui apprit à nager en janvier dernier, aura parcouru seul deux longueurs de la piscine olympique, et failli se noyer dans la seconde après un virage catastrophique. Quinze mille poitrines spectatrices et bouleversées par le jeune Moussanbani s'ébrouant, la tête hors de l'eau, le corps incliné à 40 degrés, dans une piscine trop grande p