Les historiens peuvent bien écrire l'histoire «vivante», mais l'histoire que l'on vit n'est pas toujours celle qu'ils écrivent; notamment l'histoire vécue, au passé, et transmise au présent par ceux qui l'ont écrite avec leur corps. La «Shoah» en est une triste illustration. Ce Meurtre qui se voulait le meurtre même du symbolique, le meurtre du symbole en tant qu'il nous échappe et nous fait vivre a connu un long silence, incroyablement long, dû au fait que les uns ont mis du temps à oser dire, et les autres à oser entendre (tant ils craignaient de voir sauter leur refoulement)... Et après ce temps, on a eu une pléthore de discours sur les camps de la mort, puis maintenant, des historiens raisonnables veulent tordre la barre dans l'autre sens. Mais y a-t-il un juste milieu dans cette affaire? S'ils y arrivent, très vite l'autre tendance reviendra, mue par la culpabilité, on tordra dans l'autre sens, et ainsi de suite. Un sinistre effet de mode qui dit surtout l'impuissance de beaucoup à penser deux pôles opposés, deux idées contradictoires, sans avoir mal à la tête. Physiquement, ils ne peuvent pas. Par exemple, on leur dit: comment pouvez-vous parler de ces camps avec le sourire? Et ils répondent: voulez-vous qu'on ait toujours l'air sinistre? On leur dit: il faut parler de Ça; et ils disent: alors y en a plus que pour Ça! Bref, l'éventail de l'entre-deux leur coupe le souffle. Or il faut les deux extrêmes, il s'agit de vivre au mieux tout en sachant qu'il y a eu Meurtr
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Y a-t-il un bon usage du meurtre?
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par Daniel Sibony
publié le 21 septembre 2000 à 4h34
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