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Libération
TRIBUNE

Y a-t-il un bon usage du meurtre?

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publié le 21 septembre 2000 à 4h34

Les historiens peuvent bien écrire l'histoire «vivante», mais l'histoire que l'on vit n'est pas toujours celle qu'ils écrivent; notamment l'histoire vécue, au passé, et transmise au présent par ceux qui l'ont écrite avec leur corps. La «Shoah» en est une triste illustration. Ce Meurtre ­ qui se voulait le meurtre même du symbolique, le meurtre du symbole en tant qu'il nous échappe et nous fait vivre ­ a connu un long silence, incroyablement long, dû au fait que les uns ont mis du temps à oser dire, et les autres à oser entendre (tant ils craignaient de voir sauter leur refoulement)... Et après ce temps, on a eu une pléthore de discours sur les camps de la mort, puis maintenant, des historiens raisonnables veulent tordre la barre dans l'autre sens. Mais y a-t-il un juste milieu dans cette affaire? S'ils y arrivent, très vite l'autre tendance reviendra, mue par la culpabilité, on tordra dans l'autre sens, et ainsi de suite. Un sinistre effet de mode qui dit surtout l'impuissance de beaucoup à penser deux pôles opposés, deux idées contradictoires, sans avoir mal à la tête. Physiquement, ils ne peuvent pas. Par exemple, on leur dit: comment pouvez-vous parler de ces camps avec le sourire? Et ils répondent: voulez-vous qu'on ait toujours l'air sinistre? On leur dit: il faut parler de Ça; et ils disent: alors y en a plus que pour Ça! Bref, l'éventail de l'entre-deux leur coupe le souffle. Or il faut les deux extrêmes, il s'agit de vivre au mieux tout en sachant qu'il y a eu Meurtr