L'effondrement de Lionel Jospin dans les sondages pourrait s'expliquer par le fonctionnement de la démocratie d'opinion qui coince tôt ou tard un gouvernement entre la colère suscitée par l'exercice de son autorité et le mépris provoqué par son abandon.
Dans ses débuts, la Ve République brillait des derniers feux de l'Etat tout administratif et politique. Le général de Gaulle, monarque républicain, écoutait, décidait, l'administration exécutait. C'est comme cela qu'on a appliqué la plus grande partie du rapport Armand Rueff et fait sauter les bouchons conservateurs qui bloquaient le développement de la société française d'après-guerre.
Un premier coup d'arrêt à ce mode de gouvernement fut l'échec de la réquisition des mineurs par le président de la République le 2 mars 1963. Le miracle gaullien s'évanouissait devant un phénomène de masse: le public commençait à s'identifier aux contestataires déjà porteurs de querelles par procuration.
La deuxième étape est arrivée avec la nuée de «communicateurs» qui firent ou crurent faire le score de Jean Lecanuet à l'élection présidentielle de 1965 et envahirent les antichambres politiques aux élections législatives de l'automne 1966. La politique n'était plus un travail d'autorité relayé par des corps intermédiaires, elle devenait un face-à-face direct entre l'image des politiciens et le corps électoral, soumis à la dictature de l'argent (la communication coûtant très cher) et de l'enquête immédiate obligeant constamment à surfer sur les s