Le mélodrame de la cassette Méry aimante l'attention générale, car les Français les plus blasés ou les plus distraits pressentent que, derrière les rebondissements rocambolesques de l'affaire, c'est tout le système de financement illégal de la vie politique durant une longue période qui émerge crûment. Malgré l'intensité de la couverture médiatique, le bras de fer entre Jacques Chirac et Lionel Jospin occulte la profondeur de la crise.
Le feuilleton glauque de la cassette attire tous les regards mais les braque mécaniquement sur une seule dimension du dérèglement majeur que nous abordons. C'est en effet une authentique crise politique froide, mal perçue et lourdement sous-estimée, que traverse la Ve République.
Le premier signal est venu de la jacquerie sourde les Français devant la hausse du prix de l'essence, du fuel et du gazole. S'ils ont manifesté tant de compréhension et même de solidarité virtuelle vis-à-vis des transporteurs routiers, c'est qu'ils sont excédés par les ponctions répétées qui amputent leur pouvoir d'achat. La hausse du prix de l'essence a dévoré intégralement la lente augmentation du niveau de vie des plus modestes. Après un quart de siècle d'épreuves, d'angoisses et de sacrifices, ils ne supportent plus de se sentir exclus des dividendes de la croissance. Ils ne veulent plus patienter. Faire antichambre aux portes de la prospérité fouette désormais ce sentiment d'injustice qui a toujours été le grand ressort des soubresauts français. Le prix à la pompe