Menu
Libération

La guerre ressemble toujours au fatal joueur de flûte

Article réservé aux abonnés
par Linda Lê
publié le 7 octobre 2000 à 5h08
(mis à jour le 7 octobre 2000 à 5h08)

Samedi.

Destin et caractère

Fin septembre me fait toujours penser à Marina Tsvetaeva et à Walter Benjamin. Tsvetaeva, née un 26 septembre (1892), Benjamin mort aussi un 26 septembre (1940). Tous deux acculés au suicide à l'âge de 49 ans. La première avait fui la terreur bolchevique, le second l'enfer nazi. La pendue d'Elabouga avait pour devise : «Ne daigne.» Avant de mourir, elle avait, de retour au pays natal, sollicité en vain une place de plongeuse. Walter Benjamin, en s'empoisonnant à la frontière espagnole, fit de sa mort un sacrifice : le groupe de réfugiés auquel il s'était joint et qui s'était vu interdire le passage réussit à fléchir l'alcade, ébranlé par les conséquences de son intransigeance bureaucratique, et trouva enfin le chemin de la liberté. Le destin de la poétesse russe et celui de l'écrivain juif berlinois ressemblent à un roman de Kafka en ceci que, comme l'écrivait Walter Benjamin, «le destin se manifeste lorsqu'une vie est considérée comme condamnée, et qui est, par-là, devenue coupable». L'éclipse de celle qui avait écrit, dans le Poème de la fin : «La mort n'attend pas... Ainsi, c'est moi qui pars ?» et le sacrifice de l'ironiste blessé qui avait comparé les livres aux putains, «unis depuis toujours par un amour malheureux», sont la réponse que donnent le caractère et la liberté au destin qui fait d'eux des êtres coupables. Alors que le destin, écrivait Walter Benjamin, déroule l'immense complication de la personne c