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Libération

Les images et les mots

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publié le 16 octobre 2000 à 5h24

Et sans images, à quoi ressemblerait cette «guerre»? La question taraude, depuis que le lynchage de Ramallah a exactement répondu à l'exécution de Mohammed, le gamin de Netzarim. Mort pour mort et horreur pour horreur, un corps d'adulte israélien qui tombe et un corps d'enfant palestinien qui s'affaisse ont fait deux plans emblématiques de deux causes. Ces plans occultent tout le reste, puisque c'est précisément ça, la guerre: l'instant où la charge pulsionnelle d'une vidéo peut prétendre tout résumer. Est-ce à dire que ceci égale, donc annule, cela? Non, bien sûr, car horreur pour horreur et mort pour mort, l'image parle encore en sa technicité. De ce «point de vue», le plan fixe de Netzarim s'oppose de façon exemplaire au travelling secoué de Ramallah. Si c'était du cinéma, on évoquerait Bresson contre Besson, mais ce n'est pas du cinéma. C'est encore la guerre, la guerre des images. A Netzarim, où ne fut filmée que la victime, la mort est tout près d'être esthétisée; elle «pose», pour ainsi dire, quand le tireur reste hors champ. A Ramallah, où furent surtout filmés les bourreaux, il faut «imaginer» les victimes (deux? trois?), car ce n'est qu'accidentellement que l'objectif rattrape la chute du corps défenestré qui traverse l'écran, et ce sont les tueurs présumés qui «posent». Ainsi le jeune homme exhibant ses mains rouges de sang sera-t-il plus stigmatisé que le tireur invisible de Netzarim. Ainsi est-il établi que si, faute d'évidence dont l'image témoignerait, on pein