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Libération
TRIBUNE

Marre grave de ce vocabulaire

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par François BON
publié le 21 octobre 2000 à 5h39

Samedi

Les mains rouges

C'est le rituel, chaque matin vers cinq heures trente, le temps que le café passe: allumer la machine, cliquer sur «connexion», et site Libé, dix minutes chrono. Je n'écoute pas la radio, je n'ai pas de télé, et sur l'Internet l'actualité est sans image. Sans image sauf une: celle de la «une». Hier, ces hommes à une fenêtre exhibant des mains rouges (la veille, crime de l'autre camp, cet homme qui porte un bébé de 2 ans vers le sol de pierre). Aujourd'hui, c'est encore l'image des paumes avec le sang qui est dans la tête en faisant apparaître l'actualité Jérusalem du jour. Là où devant Jérémie on a démoli, là où Néhémie, plus tard, a organisé clandestinement la reconstruction, un enjeu symbolique où on sait qu'on est pris, peut-être là où même le Kosovo géographiquement plus proche nous restait plus étranger. C'est l'imprévisibilité dans notre propre tête, la mort non pas devant nous, dehors, mais comme renvoyée par ceux-là, aux mains rouges à leur fenêtre, sur nous-mêmes. Me revient une phrase de l'Exode: «Dans la nuit, grand cri en ...gypte: pas une maison sans un mort!» Dieu de mort, et ces cartes dont on s'étonne chaque fois de l'échelle: Gaza, même pas grand comme l'île de Ré. Quelquefois, déconnecter et puis se mettre au travail, c'est facile. Aujourd'hui, l'image reste. On se faisait une joie de cet exercice, qu'on a l'habitude chaque samedi de suivre, curieux d'examiner comment les autres échappent ou pas aux pièges, pour l'autoportrait en lecte