Je suis séropositif depuis quatorze ans. J'ai consacré les onze dernières années de ma vie à lutter contre le sida. Et cela fait cinq ans que j'attendais l'article sur le bareback publié dans Libération lundi dernier. Cela fait cinq ans que ce sujet me hante parce que j'ai toujours cru à une certaine forme de beauté de l'homosexualité, une vision de l'entraide, une chose indicible qui me vient de Walt Whitman et qui dépasse de loin toutes les méchancetés que la communauté gay peut produire, comme tout autre communauté. Je parle à la première personne parce que j'en ai le droit. Quand Act Up est né, j'ai essayé de ne pas écouter ceux qui me disaient que cela ne marcherait jamais. Et puis, Act Up est devenu grand. C'est à ce moment, quand nous étions certains que nous étions sur la bonne voie, que le bareback est arrivé. Et tout s'est écroulé. Les antiprotéases sont arrivées et vous, les médias, avez fermé le dossier si lourd, si interminable du sida. J'ai alors vu des amis se détourner de moi car ils réalisaient que leurs convictions militantes n'étaient plus en concordance avec ce qu'ils faisaient dans les backrooms. J'ai vu des pédés séropositifs se mettre à dire «s'il n'a pas envie de mettre une capote, c'est son problème». J'ai vu des pédés séronégatifs si stupides qu'ils ont arrêté d'avoir peur de la mort. J'ai vu des associations sida se taire criminellement sur le sujet, les mêmes qui, aujourd'hui, refusent le discours «moralisateur et culpabilisant d'Act Up». J'ai vu
Oui, le relapse est une menace
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par Didier Lestrade
publié le 21 octobre 2000 à 5h39
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