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Libération
TRIBUNE

Lettre à un ami palestinien

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publié le 25 octobre 2000 à 5h46

Mon cher B.,

D'abord, j'espère que tu vas bien et que personne de la famille n'a été atteint. Comme il est étrange ­ et triste ­ que nous ne nous soyons pas parlé au téléphone; jadis, après chaque événement, réjouissant ou violent, nous nous entretenions ou même, parfois, nous nous rencontrions. Aujourd'hui, le silence est complet, sans doute à cause du choc qui paralyse la force de continuer à croire. Peut-être toute l'idée de la paix n'était-elle qu'une illusion naïve de «belles âmes» fatiguées des guerres et qui ont ignoré le volcan des passions et de la haine.

Peut-être n'avons-nous pas le courage de nous appeler l'un l'autre, car, sans doute, redoutes-tu que l'ami se désespère déjà de toute possibilité de réconciliation. Non, ce ne peut être ton cas. Nous nous connaissons depuis huit ans; nous parlons d'ordinaire de littérature, de politique, de la vie, des enfants. Au cours des années, nous nous sommes libérés de cette tendance propre à chaque Israélien et à chaque Palestinien dialoguant à se muer en des sortes de «délégués» de leurs peuples respectifs.

J'essaie de considérer les images de la télévision avec tes propres yeux. Parmi la foule des manifestants palestiniens se ruant sur les positions de Tsahal, je tente de distinguer le visage de l'un de tes enfants. Ce genre de manifestation est étranger à ta personnalité opposée à toute violence. Mais peut-être est-il difficile de maîtriser un adolescent qui n'était qu'un enfant pendant la première Intifada et qui a grandi