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Libération

A n'importe quel prix

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publié le 26 octobre 2000 à 5h47

Il y a quelque chose d'émouvant à observer comme, en se reconduisant, les antiques arnaques perpétuent le vieux monde. En matière de prix littéraires, par exemple, qui constituent un assez sûr moyen, pour les cons nouveaux, d'affirmer leur prétention à prendre la place des cons anciens. Ainsi de ce courrier électronique bien laid de pragmatisme marchand et nous informant lundi dernier du projet de décerner lundi prochain un «prix Bouvard et Pécuchet».

A consulter la liste de ses jurés, le prix émane de la rédaction de Technikart, qui, si son nom l'indique, est un magazine ayant pour vocation de promouvoir la pratique du karting ­ mais je peux me tromper, car le mail est muet, relativement à la genèse de l'entreprise. Son originalité, si l'on ose dire, réside dans son suivisme ostentatoire: de l'essentiel des sélections de prix mieux assis (mais déjà concurrents) sera extrait un lauréat ainsi appelé à voir distinguée sa médiocrité induite ­ selon l'ordinaire contresens qui fait des «deux bonshommes» de Flaubert un couple de crétins exemplaires. Dans un second temps sera décernée «une mention dite Antidote», à un copain ou une copine dont le «roman audacieux et original» dira l'excellence graphologique, selon le goût de nos jeunes gens pressés. Pour le suspense nécessaire, un avertissement précise en lettres capitales: «Attention: aucune liste pour la mention Antidote ne sera communiquée.»

On peinera pourtant à déceler dans cette initiative la trace de l'assaut que donnerait une