On écrit «électricité «mais «Internet». L'honneur de la majuscule fréquemment accordé au réseau international est symptomatique du culte qui l'entoure. Les métaphores ronflantes qui servent à nommer cet univers (du» cybermonde» au» monde virtuel»), ainsi que les expressions routinières (comme l'inévitable «société de l'information») disent bien que nous avons affaire à tout autre chose qu'un simple outil. La vénération qu'il inspire va jusqu'à l'abus de langage. On baptise «nouvelles technologies» les nouvelles techniques. C'est dire si l'entreprise de Philippe Breton est digne d'intérêt. Sociologue de communication, il interroge «le culte de l'Internet» (1) dans un petit livre à la vivacité stimulante. Notre chercheur au CNRS s'emploie à débusquer «les croyances profondes tapies au coeur d'Internet», le considérant comme «la véritable église de ceux qui vénèrent l'information», elle-même présentée comme «la spiritualité du troisième millénaire».
L'auteur prend soin de se démarquer des «technophobes». Il admet sans difficulté que l'Internet est un «bon outil» et en espère la «laïcisation». Ce qu'il rejette violemment, c'est l'idéologie du «tout-Internet» qui prétend réinventer le monde. Breton montre que cette croyance n'est pas neuve. Elle s'enracine dans la «cybernétique» inventée par le mathématicien américain Norbert Wiener dans les années 50. La religion de la rédemption par l'information a eu pour grand prêtre Pierre Teilhard de Chardin, inventeur de la «noosphère». Cet