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Libération
TRIBUNE

De nouvelles pompes funèbres.

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par Robert ROCHEFORT
publié le 2 novembre 2000 à 6h04

Il n'y a presque plus de rituel collectif régulier autour de la mort. La cérémonie de la Toussaint est peu à peu remplacée par la fête de Halloween. Les enterrements se font sans fleurs ni couronnes, et les corbillards ont troqué le noir morbide contre une agréable couleur lie de vin. Telle est en tout cas la vision que l'on cherche à imposer. Car la réalité est tout autre. Il y a encore 9 millions de Français qui se rendent sur les tombes de leurs proches chaque année en novembre, et le chiffre d'affaires des fleuristes à cette occasion dépasse de très loin celui des vendeurs de masques, de déguisements et autres farces et attrapes à l'effigie de la citrouille. La mort n'a pas disparu, mais elle joue à cache-cache. Elle se rappelle à notre bon souvenir lorsqu'on l'imagine ailleurs. Certains rituels apparemment destinés à en réduire l'emprise aboutissent à l'effet inverse. Il en est ainsi de la crémation. Il y a désormais 20 % d'incinérations, et cela ne cesse de progresser. Cette tendance hygiéniste à la disparition instantanée du corps laisse en réalité aux proches une bien plus grande difficulté à exercer le deuil, c'est-à-dire à surmonter la souffrance de la séparation pour assumer une lente réinsertion dans la société des vivants. Et cela d'autant plus qu'il est choisi de ne pas avoir de sépulture. Tous ceux qui ont vécu sans préparation psychologique une telle épreuve en soulignent la violence, le caractère trop dépouillé, l'absence de traces, qui rend difficile la fix