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Libération
TRIBUNE

Un rêve nigérien

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par Rahmatou KEITA
publié le 7 novembre 2000 à 6h16

Je suis au Sahel et je pleure.Dans le Sahel, on a toujours une bonne raison pour pleurer. Parfois, c'est parce qu'on a faim. Souvent, c'est parce qu'on voit toute sa famille disparaître, ravagée par une épidémie. Ou parce que des hommes fous de pouvoir risquent de faire basculer la région, quand ce n'est pas tout le pays, dans une guerre civile sans fin...

Aujourd'hui, je suis avec passion ce qui se passe en Côte-d'Ivoire. Et je souffre avec mes frères et mes soeurs qui se déchirent. Et je pense qu'avec moi tous les Sahéliens souffrent et pleurent, et que toute l'Afrique souffre et pleure. Quand je pleure le soir en voyant au journal télévisé ces morts qu'on enterre trop vite, quand on découvre un charnier, quand on prononce simplement ce mot de charnier, j'entends les pleurs de mes frères et de mes soeurs à Khartoum, à Harare, à Accra, à Bamako, à Johannesburg, à Niamey.

Je suis sahélienne, je pleure. Mais quand je vois ce qui se passe à Abidjan, dans cette ville que j'adore, et quand je pense à ce qui s'est passé chez moi, à Niamey, je ne peux m'empêcher d'être fière de mon pays, le Niger.

Longtemps j'ai fait un rêve. Je voyais les coups d'Etat succéder aux coups d'Etat, les meurtres suivre les meurtres. J'entendais mensonge sur mensonge. Je rêvais d'un pays où il y aurait des élections libres, un Parlement qui débatte, un Président élu, une opposition qui fasse son travail d'opposition. D'un pays où l'on ne mourrait plus pour ses idées et où l'on se déciderait enfin à aborde