Il n'y a pas de quoi pavoiser: Jacques Chirac vient de remporter sur Lionel Jospin une passe d'armes caractéristique d'une régression démocratique. Le président de la République, animal politique redoutable, n'a pas son pareil pour prendre le pouls de l'opinion, épouser ses pulsions, partager ses réflexes, anticiper son instinct, pressentir ses peurs et, le cas échéant, amplifier sans vergogne ses passions. Ce talent là ressemble comme un frère à celui que possédait François Mitterrand. La cohabitation entrant dans sa phase finale, Jacques Chirac en fait l'usage même que son prédécesseur au palais de l'Elysée avait jadis exercé à son détriment. Il joue des émotions françaises pour affaiblir le Premier ministre. Il en avait été la victime de 1986 à 1988. Il en devient maintenant l'auteur. Chirac inflige à Jospin le traitement que Mitterrand lui fit subir. Car il s'agit bien d'un talent mais aussi d'une méthode et même d'une stratégie: Jacques Chirac sent plus vite et mieux que Lionel Jospin les variations d'humeur des Français, leurs emballements, leurs rejets, leurs surréactions. Il l'avait déjà démontré avec l'épisode du prix de l'essence. Le brusque haut-le -coeur des consommateurs, il l'avait pressenti. De même avait-il discerné avant les autres la frustration des citoyens face à la stagnation du pouvoir d'achat en phase de croissance retrouvée ou bien avait-il cristallisé l'idée, perverse à souhait, qu'existait une mystérieuse cagnotte gouvernementale, camouflée pour ser
La République émotionnelle
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par Alain Duhamel
publié le 17 novembre 2000 à 6h40
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