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Libération

La manif, la vraie

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publié le 21 novembre 2000 à 6h49

Il y a parfois de ces manifs ratées qui sont plus instructives que bien des marches triomphales. Je me souviens personnellement d'une, au début des années 90 devant le Quai d'Orsay, où l'on s'était comptés 27 pour accueillir à Paris un certain Slobodan Milosevic. Celle qu'organisaient samedi, dans la laideur glaciale et mouillée de la Défense, de jeunes abonnés à la tuyauterie AOL (America On Line ­ Net, mailerie, petit commerce en ligne et autres colifichets), fut de cette nature. La jeunesse virtualisée y protestait contre la façon dont le grand gourou des fournisseurs d'accès lui avait vendu un forfait illimité avant de le réduire tout à fait autoritairement, au prétexte de ne pas léser ses abonnés engorgés. Et ses raisons sont excellentes, à peu près comme sont excellentes les raisons de votre banquier de vous couper le cou lors d'un accidentel découvert. L'intérêt général, n'est-ce pas, épouse volontiers l'intérêt du dominant, lorsque c'est ce dernier qui le décrète... Sur le parvis planté d'horribles tours, au pied de celle de Cégétel, ils étaient donc une quarantaine de manifestants qui découvraient que la vie,

ce n'est pas toujours rose comme dans le monde d'AOL où l'on vous tient la main pour traverser dans les clous du cybermonde, comme ils disent. Evidence qu'un des organisateurs signifiait en déplorant amèrement l'absence de «ces abonnés qui rouspètent, mais qui ne se mobilisent pas».

C'est sans doute qu'ils crurent, ces absents, qu'il suffirait à leur rouspétance