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Libération

Au bonheur d'Arnault

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publié le 23 novembre 2000 à 6h56

Salauds de ploutocrates! Leurs affaires, leurs trafics et leurs guéguerres, ils ne pourraient pas se les faire un peu moins bruyamment? Non, bien sûr! Il faut que ça se sache... Alors, à coups de surenchères formidables, leur poker bouleverse nos univers familiers; la plus intime perception qu'on s'est faite d'une ville, dans le réseau touffu de ses mythologies, s'en trouve bouleversée, salie, foulée aux pieds et refoulée. Ainsi ne regarde-t-on plus du même oeil le magasin parisien de la Samaritaine. Bernard Arnault, le nabab luxueux de LVMH ­ le même qui nous a pourri Saint-Germain-des-Prés ­, a mis dessus ses pognes manucurées. Ils ont dit ça ce matin dans le poste, et si la Seine coule encore, à l'angle du Pont-Neuf et de la Monnaie, la Samaritaine n'est plus tout à fait la Samar'. Des souvenirs de René Fallet passent comme des fantômes, et des images défilent comme à l'heure de la mort. L'histoire zolesque, très Au bonheur des dames, d'Ernest Cognacq, petit marchand lassé d'être ambulant et pressé de devenir gros, qui ouvre la boutique en 1870 et mariera Marie-Louise Jay, vendeuse au Bon Marché...

et aussi l'histoire édifiante du capitalisme social-chrétien et de ses oeuvres (l'obsolescent prix Cognacq-Jay destiné aux familles méritantes parce que nombreuses, c'est eux)... Le micromusée qui les relate, installé au dernier étage du bâtiment, sous la terrasse «panoramique», perd d'un coup son caractère fabuleux. Et, d'être rachetés par un moderne requin, ces temps très anci