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Libération
TRIBUNE

Moins de fierté, voilà ce qu'il faut

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publié le 9 décembre 2000 à 7h47

Samedi

Univers

hallucinatoire

Zéro heure, Lyon. De plus en plus aiguë, ma conscience que je pourrais être ailleurs, qu'il ne tient qu'à un fil que je ne sois ailleurs. Quelle actualité me concerne? Quelle attitude politique devrait être la mienne? Je suis perpétuellement tiraillée entre la position maximaliste d'un Breytenbach (identification obsessionnelle à son pays) et celle, minimaliste, d'un Beckett (y a-t-il un monde, quelque part?)

Question au moment de me coucher : que va-t-on m'injecter dans la tête cette semaine? Depuis quelque temps je nage à contre-courant, m'efforçant coûte que coûte de protéger mon cerveau contre les millions d'informations qui menacent à chaque instant de l'envahir. Aux USA il est

désormais interdit de se concentrer sur une chose : quand on regarde un talk-show on voit défiler au bas de l'écran les nouvelles du jour. Même en France, d'après ma fille, les jeunes ne supportent plus de voir un film «ancien», aux plans lents et longs... Exception notable : Fleury-Mérogis.

Là, on se concentre. Chaque fois que j'y vais, le respect dont témoignent les détenus pour les mots me sidère. Leur écoute est intense, totale ­ entre autres parce qu'ils ne songent pas pendant qu'on parle à ce qu'ils ont à faire après. A l'instar des moines bouddhistes, ils sont là où ils sont. Juste avant de m'endormir, je lis dans les Inrock le beau texte de Marc Weitzmann sur les colonies juives en Palestine... beau parce qu'incertain, désarçonné; l'auteur ne cache pas son désarroi