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Libération
TRIBUNE

Torture: l'Etat coupable mais amnistié

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par Jean-Pierre Rioux
publié le 11 décembre 2000 à 7h48

Dès le 2 novembre 1954, au lendemain de la Toussaint fatale en Algérie, François Mauriac s'inquiète à juste titre dans son Bloc-Notes: «Coûte que coûte, il faut empêcher la police de torturer.» Dès janvier 1955, François Mitterrand, ministre de l'Intérieur du gouvernement Mendès France, demande à Roger Wuillaume, inspecteur général de l'administration, d'enquêter sur les sévices policiers en Algérie: le rapport Wuillaume du 2 mars 1955 est accablant et décrit par le menu l'activité de tortionnaires très à l'aise dans l'usage répété de la baignoire, du tuyau d'eau et de l'électricité. Il est porté à la connaissance de René Coty, président de la République, comme à celle du gouvernement d'Edgar Faure. Le 13 décembre 1955, Jean Mairey, directeur général de la sûreté, rédige un second rapport tout aussi précis, où il signale «une reprise des pires méthodes de police, rendues trop célèbres, hélas, par la Gestapo et qui soulèvent à juste titre l'indignation des hommes civilisés». A cette torture policière s'ajoute, pour gagner la bataille d'Alger de 1957, la torture pratiquée par des hommes de la 10e DP du général Massu pour l'obtention rapide de renseignements sur les suspects arrêtés. Les plus hautes autorités civiles et militaires d'Alger comme de Paris ont été mises au parfum. Il faut gagner la bataille, extirper le terrorisme algérien des villes, démanteler l'organisation politico-administrative du FLN. Ce sera fait. Les autorités croient hâter la pacification en fermant les