Pénible mais nécessaire, la longue crise américaine qui a suivi l'élection du 7 novembre promettait d'être une «leçon de démocratie». L'expression a été répétée maintes fois depuis un mois, par les médias comme par les professionnels de la justice. De fait, l'histoire a commencé de façon exemplaire. Les bulletins de votes ont été comptés et recomptés sous le regard des caméras; les procès ont étés retransmis en direct; les pro-Gore et les pro-Bush ont manifesté côte à côte, sans jamais aucune violence; la presse a décrypté chaque argument juridique, jouant son rôle de vulgarisation et de modération; la patience de l'opinion a été exemplaire... Tout semblait témoigner, effectivement, d'une démocratie tranquille, vivante et respectueuse de son droit.
Et puis, le train a déraillé. La «leçon de démocratie» a tout à coup pris le goût amer de la raison d'Etat. En décidant que le respect d'une date butoir, le 12 décembre, était plus important que la justesse du dépouillement électoral, la Cour suprême des Etats-Unis a, mardi, choisi de préférer l'ordre à la justice, l'urgence étant, selon elle, d'éviter le chaos constitutionnel.
Jusqu'à la semaine dernière, le débat était fort et les arguments nobles. Le camp Bush défendait la règle du jeu, le camp Gore, le droit de vote. Deux principes légitimes. Pour les républicains, il était antidémocratique de «changer les règles pendant la partie». Ces règles, disaient-ils, avaient fixé un délai pour les comptes des voix, afin de tuer les tenta