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Libération
TRIBUNE

Merci pour le Rohypnol

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Ce somnifère, souvent détourné par les toxicomanes, est dangereux. Le ministère de la Santé doit le retirer du marché, n'en déplaise au laboratoire qui le produit.
par Michel RUEL, médecin, Laurent ELGHOZI, médecin et Alain Morel, médecin
publié le 18 décembre 2000 à 8h12
(mis à jour le 18 décembre 2000 à 8h12)

Le dernier film de Claude Chabrol est intéressant à plus d'un titre. D'abord parce que Merci pour le chocolat est un bon film, mais aussi parce qu'il évoque les dégâts que peut occasionner un médicament somnifère, le Rohypnol (ou flunitrazépam), en le mélangeant à du chocolat et à des fins criminelles. Si cette utilisation est heureusement le plus souvent du registre de la fiction, la réalité n'en est pas moins angoissante. Car le Rohypnol, particulièrement dangereux, continue d'être commercialisé. C'est même l'un des somnifères les plus prescrits. C'est aussi celui qui est le plus détourné par les toxicomanes, et celui que l'on retrouve impliqué dans la plupart des overdoses mortelles en France.

Des voix ne cessent de s'élever pour que ce produit soit enfin retiré du marché, comme cela est le cas habituellement lorsqu'un médicament présente des risques spécialement dommageables. La liste est longue de ces médicaments abandonnés depuis le Mandrax jusqu'au Survector, en passant par la plupart des barbituriques et la totalité des «coupe-faim». Pour le Rohypnol, toujours rien, malgré une pétition réunissant sept cents signatures de professionnels de santé qui demandent sa décommercialisation. Rarement la frilosité des pouvoirs publics et le déni d'un laboratoire pharmaceutique puissant n'ont conduit à autant d'atermoiements pour prendre une décision de simple santé publique.

Lorsque le blocage est tel, il devient nécessaire d'en appeler à l'opinion publique. Le flunitrazépam est