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Libération

Quelle police pour nos enfants?

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publié le 23 décembre 2000 à 8h28

On a tous souhaité au moins une fois, au cours de notre scolarité infinie, que la police vienne interrompre un cours pour emmener un professeur au cachot, vengeant une classe exaspérée d'ennui ou abrutie de soumission. Mais nous pensions alors que nous aurions du mal à faire partager ce souhait à des adultes. L'originalité

de l'affaire d'Abbeville est que ce sont les parents, la justice et la police qui ont repris à leur compte, et pour de vrai, ce fantasme d'adolescent et qui ont crié à leur façon, sans attendre la fin de l'année: «Le Grand Cahier au feu, le maître au milieu!»

La force publique est allée chercher sur son lieu de travail un professeur coupable d'avoir fait étudier à ses élèves de troisième le Grand Cahier d'Agota Kristof, roman prétendu pornographique.

On a estimé la sanction d'autant plus disproportionnée qu'il n'y avait pas faute, et la section abbevilloise de la Ligue des droits de l'homme dénonça cette «censure». Au moins, les collégiens en ont-ils plus appris d'un coup sur le fonctionnement de la police et la justice qu'en dix heures d'instruction civique.

Le mot censure est habituellement employé avec une connotation négative. Il serait honteux que le Grand Cahier ne puisse plus être lu et commenté en classe, un large consensus devrait être obtenu sur ce point. Mais on tendrait encore plus vers l'unanimité si on décidait que les Cent Vingt Journées de Sodome et la plupart des oeuvres de Sade ne devaient pas être enseignés à nos enfants. On a beau respecter