Dans quelle mesure le débat actuel en France sur la torture pendant la guerre d'Algérie finira-t-il par ouvrir sur l'actualité des exactions militaires dans ce pays ? Y a-t-il un intransgressible délai de silence de quarante ans que rien ne peut abolir, ou une sorte de champ clos de l'Histoire que le débat d'actualité est sommé, à titre conservatoire, de ne pas empiéter ? Autrement dit, la vérité est-elle vouée à une quarantaine durant laquelle elle doit se purifier de ses germes vénéneux avant qu'on ne l'approche ?
On dira que le recul établit les faits. Que l'Histoire a ceci de supérieur sur l'actualité qu'elle atténue les tensions, et donc les manipulations. Mais on dit aussi que l'amitié est supérieure à l'amour, à peu près pour les mêmes raisons. Pourtant, qui se contente de la tiédeur de l'amitié ?
Observons comment, pour le seul cas de l'Algérie, l'actualité a raillé l'Histoire tout récemment. Au moment où le régime d'Alger organisait la mascarade du retour du chanteur Enrico Macias, les présomptions s'accumulaient sur l'implication de l'armée dans l'assassinat du chanteur Lounès Matoub. Il nous a été évité de justesse (peu importe que ce fût pour de mauvaises raisons) de voir les arts et la liberté glorifier les mécènes quand ils devaient stigmatiser les bourreaux.
Et aujourd'hui, l'empoignade sur la torture battant son plein, le livre de Nasroullah Yous sur le massacre de Bentalha envoie ses blessures vives télescoper les cicatrices de la guerre d'Algérie.
«Cette tortur