Pour la troisième fois de suite, un Premier ministre en fonction est candidat à l'élection présidentielle. Ce fut le cas de Jacques Chirac en 1988, puis d'Edouard Balladur en 1995, c'est le tour aujourd'hui de Lionel Jospin. Ces deux prédécesseurs, chefs de gouvernement de cohabitation comme lui, furent battus. L'hôtel de Matignon n'est pas un lieu de tout repos. On s'y use, on s'y banalise, on y reste exposé en permanence aux cahots de l'actualité, aux crises qui surgissent à l'improviste, aux effets délétères de dix dossiers empoisonnés. Ce qui vaut pour un passage de deux ans (1986-1988 et 1993-1995) s'applique a fortiori pour une période de cinq ans. Si Jacques Chirac achève le dernier septennat de l'histoire, Lionel Jospin mène à son terme le premier quinquennat de cohabitation. L'un comme l'autre feront l'an prochain figure de sortant.
L'expérience le prouve: il serait absurde de décréter quinze mois à l'avance lequel des deux aborde cette phase finale en position de favori, et lequel en posture de challenger. Les cartes sont loin d'être battues. Lionel Jospin se trouve cependant dans une situation bien différente de celle de Jacques Chirac en 1988 et d'Edouard Balladur en 1995. La période s'annonce en effet beaucoup plus favorable. Le spectre de la crise économique s'éloigne, la misère sociale commence à reculer. La société française entre en convalescence après un quart de siècle d'épreuves. Elle n'est pas guérie, comme en témoignent la violence et la marginalité. Sou