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Libération
TRIBUNE

Un terrorisme sans terroriste

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publié le 23 janvier 2001 à 22h06

Se souvient-on de la grande moisson organisée aux Champs-Elysées, le 24 juin 1990, par des syndicats d'agriculteurs? Ce fut, selon un journaliste, une «moisson urbaine et délocalisée, moisson de la performance technique»? Moisson hors sol, hors nature, hors paysage paysan, blé poussant sur le pavé et sur le bitume, agriculture hypertechnique au coeur de la mégapole! Sur un mode joyeux et festif, cette grande moisson macadamisée célébrait des noces, sous la bénédiction du rationnel, entre l'agriculture, la techno-science et l'économie, noces qui sont aussi à l'origine de la maladie de la vache folle.

La joie de cette fête ne masquait-elle pas l'amertume sans larmes d'un enterrement, celui de la paysannerie? Ou plutôt: d'un enbitumement de la paysannerie ­ inhumée en bloc sous le bitume, sous l'hypermodernité technologique, sous l'hyperhystérie économique! La grande moisson des Champs-Elysées n'annonçait-elle pas, à sa manière, son propre revers, la vache folle?

La vache folle n'est pas Fantômas. La mythologie populaire du savant fou divaguait sur la figure paralittéraire autant que parascientifique d'un terroriste scientifique identifiable, aux prises avec son appétit de domination, se servant de la science en ayant conservé l'état d'esprit de la magie noire. Bien qu'invisible, pour des raisons stratégiques, ce terroriste ­ à l'instar de tous les terroristes de style classique ­ cherchait l'éclatante manifesteté: d'un côté il était marqué par la société, en recevait par la peur