Le propre des modes est de se retourner brutalement. L'Internet est passé sans transition de l'euphorie prévisionnelle au désespoir comptable. Les start-up au pied tendre s'écroulent les unes après les autres. Les vagues de licenciements déferlent sur les grands sites. Soudainement dégrisés, les décideurs réduisent la voilure de leurs investissements sur la Toile. Deux fausses interprétations se bousculent pour rendre compte du phénomène. La première est excessivement rassurante. Les marchés de la «nouvelle économie» ne subiraient que l'épreuve attendue d'une «correction technique». La crise actuelle ne serait qu'une étape d'assainissement, douloureuse mais indispensable, avant que la ruée vers l'or virtuel reprenne son cours. Périlleuse pour les faibles, cette heure de vérité serait même une chance pour les forts.
L'autre interprétation est catastrophiste. Elle proclame la fin de l'illusion virtuelle. L'Internet aurait fini par se révéler être un songe creux. Tout le monde ne s'en alarme pas, loin s'en faut. Philippe Val, le maître à penser de Charlie-Hebdo, pilonne à gros calibres un réseau curieusement qualifié de «kommandantur libérale» au moment même où les marchands en ligne broient du noir. Dans un genre différent, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme s'inquiète de l'usage du réseau pour propager racisme et intolérance dans le monde. Nombreux sont ceux qui verraient d'un bon oeil la marginalisation et la normalisation d'un outil attentatoire aux