Le vote par le Parlement français, dans l'urgence et à l'unanimité, d'une loi reconnaissant le génocide arménien, s'explique probablement par l'approche des élections municipales. Le sentiment de culpabilité de la France au sujet de son passé colonialiste, les souvenirs refoulés de sa responsabilité en Algérie ou de son rôle ambigu dans d'autres massacres du passé ont dû jouer dans ce travail de mémoire. Même s'il s'agit en l'occurrence d'un travail sur le compte d'autrui. Dans le vote du Parlement français, on peut aussi voir, et s'inquiéter, des effets de l'emprise croissante des soucis communautaires sur la politique étrangère. Mais tous ces éléments ne sauraient expliquer la lame de fond dont s'alimente cette mobilisation pour la reconnaissance du génocide arménien, qui dépasse largement la France. Au-delà du cas de la Turquie, le travail de mémoire en oeuvre dans les pays occidentaux porte aussi sur les événements douloureux qui ont accompagné l'accouchement des Etats-nations.
Le gouvernement français évoque le caractère inoffensif de la loi. Mais la réalité est sensiblement différente. Si l'on reconnaît que «la loi est l'expression de la volonté générale», en tant que telle, elle est susceptible de produire des effets politiques et juridiques. Même s'il reste déclaratif dans sa forme, ce texte créera un référent juridique de poids. Il sera la base d'appui d'autres initiatives européennes. Il peut à terme créer une condition supplémentaire pour l'entrée de la Turquie à l